Pour un hôpital public dont les agents sont payés par nos deniers, il faut les supplier ou hausser la voix avant qu’on ne prenne en charge votre malade. En l’espèce, j’y ai conduit ma femme dès le mardi en début d’après-midi après qu’elle ait perdu les eaux. Admission en salle d’accouchement, payement des frais à la caisse et puis plus rien.
Depuis les vitres j’entends se cris, ses jérémiades, sans me douter un seul instant qu’elle est complètement abandonnée à son sort. Pas de sage-femme (je m’interroge sur le côté sagesse qu’on attribue à certaines de ces femmes) pour la suivre. À peine nous donne-t-on des nouvelles à moi et ses proches morts d’inquiétude dehors.
N’en pouvant plus, j’ai dû sortir mon téléphone et passer quelques coups de fil (je ne suis pas journalistepour rien). La nouvelle de repend rapidement que l’épouse d’un journaliste se trouve parmi les parturientes. Et ce n’est qu’en ce moment qu’elle reçoit un minimum d’attention. Et dire qu’il s’agit de personnes qui ont fait serment de sauver des vies et qui clament que le bon accueil du malade est le premier pas vers la guérison. Pourquoi crier alors sur ces pauvres femmes déjà en proie aux douleurs de l’enfantement.
Pour couronner cette nuit cauchemardesque, on m’annonce vers 05h30 le mercredi qu’elle doit subir une césarienne. Je n’ai droit à aucune explication. Mon sang fait un tour complet dans ma tête. Certes la césarienne est devenue aujourd’hui une opération banale, tellement banale qu’elle est galvaudé et pratiquée pour un oui ou un non (ça ce n’est que mon sentiment). Je vous épargne tous les médicaments et injections qu’on m’a fait payer. L’essentiel pour moi en ce moment c’était la vie de ma femme et celle de mon bébé. Le kit a été acheté, j’ai dû appeler une connaissance gynécologue pour qu’elle soit bien suivie (je le remercie d’ailleurs pour cela). Une heure à peine il revient m’annoncer que je suis père d’une fille. Comment va ma femme ? Bien me dit-il.
Je ne savais pas que ce n’était que les prémices de mon calvaires et celle de ma femme.
En salle de réanimation, étant habitué à ce type d’opération (mon garçon aussi est né par césarienne il y a 5ans) je demande si tous les médicaments sont là. Oui me dit-on mais on m’exige un intéressement. C’est de la corruption, je le sais, mais si vous êtes en situation vous allez obtempérer juste pour assurer un bon séjour à votre proche. J’ai donné 10.000f.
Pendant ce temps le bébé est envoyé en pédiatrie pour un suivi. Mon Dieu, vous appelez ça une pédiatrie ?
Des bébés par 2 ou 3 sur le même lit, pas de place pour l’accompagnante ou les mères. Drôle de pédiatrie où on n’a pas pensé faire une place pour la mère.
Entre temps il faut aller chercher le bébé, l’amener à sa mère en réa pour l’allaiter et le remonter. La pauvre, sérum, piqûre, prélèvement de sang, photothérapie… Je ressens sa peine. Pour couronner ce calvaire, on libère la mère ce samedi mais pas le bébé. Du coup je ne peux pas rentrer avec eux. Mais où va-t-elle bien se coucher ? À peine tient-elle 15min assise. Il n’y a nulle place que sur des chaises en plastique que j’ai achetées. Mais elle supporte difficilement cette position, il n’y a pas de lit pour mère et bébé. Un infirmier ayant appris que je suis journaliste me promet un lit, nada. Pas de places. Elle doit dormir dans les escaliers au meilleur des cas, sinon c’est sur la chaise la tête posée sur le rebord du lit. Vous savez qu’elle a subi une opération et que ce genre de position n’est pas bonne pour elle, dis-je au soignant. En plus de l’enfant je ne veut pas en rajouter de complications pour la mère, leur dis-je.
Beaucoup de proches me demandent pourquoi n’avoir pas choisi la clinique ? J’en suis déjà à plus de 150.000f de dépenses.
Mais ce qu’ils ne savent pas est qu’un journaliste aussi connu que moi n’a pas de police assurance santé, comment payerai-je la clinique ?
Et dire que je doive encore passer jusqu’au lundi de cet enfer !
Que voulons-nous ? Juste des structures hospitalières digne de ce nom, un personnel soignant conscient de son travail et l’exerçant avec professionnalisme. Je compte les heures qui me séparent de la sortie de cet enfer, et en écrivant ces lignes, je veux être ce soir, la voix de toutes ces familles qui vivent le même calvaire dans les hôpitaux publics. J’en ai vu qui ont signé des décharges pour quitter les lieux avec leur bébé à cause des conditions. J’espère qu’un jour la terre va libérer les hôpitaux de référence promis à coups de slogan électoraux pour les pauvres gens comme nous…
Samuel Gnanhoui